A Nous De Jouer !

A Nous De Jouer !

Soyons fidèles à nos valeurs : changeons ! Léa DAS NEVES BICHO, Pierre MARGAIN, David SANTANA

 Soyons fidèles à nos valeurs : changeons !

 

Un an après l'élection de François Hollande, grâce notamment aux voix des électeurs écologistes, il apparaît nécessaire de réaliser un examen objectif des réformes engagées par le gouvernement, puis de réfléchir aux chantiers qu’il nous appartient de porter, tant vis-à-vis de nos concitoyens que de nos militants.

 

Un bilan de l’action gouvernementale décevant

François Hollande avait été délibérément flou sur son programme, refusant de s'engager plus avant et d'assimiler l'accord de mandature signé par le Parti Socialiste et Europe Ecologie -  Les Verts. Toutefois, quelques promesses fortes avaient marqué sa campagne : lutte contre l'emprise de la finance sur l'économie, réduction du déficit des administrations publiques, baisse du chômage notamment celui des jeunes, réduction des inégalités en matière fiscale... Force est de reconnaître qu'après un an au pouvoir, ce gouvernement a déçu sur l'ensemble de ces sujets. Et il n'est pas jusqu'à la "République exemplaire", symbole d'un tournant vers un exercice modeste du pouvoir, qui ne soit devenu obsolète dans les remous de l'affaire Cahuzac.

 

Nous portions lors de l'élection présidentielle un message fort : celui de la nécessaire transformation de nos modes de production et de consommation face à l'épuisement des ressources naturelles et aux dégâts causés sur l'environnement par une croissance économique sans limite. Or, même s'ils travaillent beaucoup et portent certaines préoccupations écologistes, nos ministres sont peu visibles et le résultat de leur action ne semble pas très éloigné de celui qu'aurait obtenu un ministre socialiste. Ils participent juste de notre assimilation au gouvernement socialiste et à sa ligne économiquement libérale, et en outre assez conservatrice du point de vue sociétal. En effet, hormis le mariage pour tous, et la création d'un ministère - sans portefeuille - dédié aux droits des femmes, quelles avancées peut-on enregistrer en matière de traitement des migrants, de vote des résidents étrangers ou de dépénalisation des drogues douces ? 

 

On peut aussi se poser des questions concernant des sujets non traités par nos ministres : du côté du logement, où en est la rénovation des bâtiments, où en est la réquisition des logements vacants ? Et du côté des affaires étrangères, quels dispositifs ont été mis en place pour restreindre la pression des lobbies – notamment industriels – sur la décision publique? Une réflexion a-t-elle été engagée afin d'élaborer une vision de la politique extérieure française qui ne soit pas limitée à la seule promotion d'intérêts industriels. Les retombées économiques de cette politique, sensée être positive pour l'emploi en France, n'ont d’ailleurs jamais été estimées sérieusement, c'est à dire scientifiquement. Dès lors, la diplomatie économique s'apparente à un recul du politique dans un monde qui vit pourtant des crises de régimes politiques très violentes (printemps arabes, guerre en Syrie, crise malienne etc..). Dans ce contexte notre ministre du développement n'a hélas pas la main sur les moyens d’agir : le budget de l'aide publique au développement ou la répartition des fonds tirés de la future taxe internationale sur les transactions financières.

 

Or, la participation des écologistes au gouvernement est aujourd'hui justifiée par une série de phrases, répétées en boucle comme des mantras : il s'agit d'avoir "un pied au gouvernement et un pied dans le mouvement social", ou bien de "mettre les mains dans le cambouis". On pourrait répondre qu'EELV a le cul entre deux chaises; et le cambouis n'est pas à proprement parler un produit bio que nous pourrions nous vanter d'utiliser ! Plus sérieusement, nous actons aujourd'hui une perte d'influence considérable de l'écologie politique, sur des questions fondamentales : la transition énergétique, la déconstruction de l'objectif de croissance,  le partage du travail et la répartition des richesses, la remise en question du consumérisme comme mode de vie, la protection et la gestion des biens communs, ou les libertés individuelles.

 

Constatant qu'EELV est actuellement dans une impasse politique, et que François Hollande n'a aucune intention d'appliquer le programme EELV/PS signé en novembre 2011, nous proposons un choix clair à tous les militants : la sortie du gouvernement. C'est en appliquant une stratégie de soutien conditionnel à la politique gouvernementale qu'EELV favorisera l'émergence de réformes véritablement écologistes, quitte à parfois s'opposer de façon frontale à des projets socialistes qui heurtent nos convictions. 

 

 

Pour une écologie de la transformation sociale et environnementale

Nous appelons à la mise en œuvre d'une écologie visant à une transformation globale de notre société, sans laquelle notre participation au gouvernement ne peut que servir de caution à un projet social-démocrate dont les racines sont fondamentalement productivistes et consuméristes. Dans cette optique, nous devons adopter sur un certain nombre de projets une position résolument écologiste, en refusant des concessions qui sont autant de trahisons. 

 

Dans cette optique, nous estimons nécessaire de rappeler quelques exigences, notamment :

La promotion d’une vraie transition énergétique telle que nous l'avions proposée dans notre programme de 2012. Une politique volontariste avec les moyens assortis qui impliquerait une sortie totale du nucléaire d'ici 20 ans (et donc l'arrêt immédiat de Fessenheim, de l'EPR, et de la production de plutonium et de MOX), une politique d'investissements massifs dans la rénovation des bâtiments (ce qu’on n’a toujours pas vu du côté du ministère du logement), une vraie organisation et financement de la transition énergétique.

 

La défense d’une politique économique et sociale réellement écologiste et antilibérale : partage du travail (semaine de 32 heures), hausse de la fiscalité sur les produits pétroliers, intégration du bilan carbone dans le coût des produits que nous consommons. Nous devons affirmer notre désaccord avec la politique économique suivie par tous les gouvernements depuis 20  ans et qui nous mène droit dans le mur. Le mot décroissance ne doit pas  être  un tabou, et nous voulons faire du titre du livre de Pierre Rabhi, La sobriété heureuse, l'un de nos mots d'ordre. Nous devons rappeler qu'une politique économique écologique est source d’emplois et de bien-être, et que pour vivre mieux, nous devons consommer moins.

 

L’invention de la ville du futur,  propre, non polluée, sans voiture, avec un bilan énergétique positif ! Nous avons trop oublié nos idéaux au profit d'une realpolitik stérilisante. On a vu le résultat lors des dernières élections... Les  Chinois sont en pointe sur ce sujet, ne restons pas à l'écart : l'écologie, ce n'est pas un mouvement réactionnaire ne visant qu'à  préserver le bien-être de quelques nantis habitants les centres-villes en voie de gentrification, mais une espérance de mieux vivre pour tous et toutes. 

 

Une transformation globale du rapport des Français au pouvoir, en promouvant le passage d'un Etat jacobin et parisien où les élites se cooptent à un Etat fédéral, de taille réduite et travaillant harmonieusement avec des collectivités territoriales rénovées et financées par des impôts clairement identifiés. Ce projet ambitieux, qui rompt avec la tradition centralisatrice à l'œuvre depuis Napoléon, passerait par la  suppression des départements et la fusion des communes dans des ensembles plus vastes. L'Etat se verrait attribuer certaines compétences, les autres étant attribuées aux différents niveaux de collectivités territoriales. Concrètement, l'Etat ne s'occuperait ainsi plus de sport ou de culture, ce serait les communes fusionnées qui subventionneraient ce type d'activité.

 

Le rejet du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Une telle démarche constituerait un moyen dynamique pour faire avancer plusieurs de nos idées sur les transports, l’agriculture, l’aménagement  et la démocratie participative.

 

Des thématiques sociétales porteuses de transformation profonde dans notre société, notamment en matière de légalisation de la culture du cannabis afin de mettre un terme aux trafics, ou de congé parental partagé.

 

Pour un parti à l'interface des différentes forces de gauche

EELV est devenue la cinquième roue du carrosse de François Hollande, et l'identification de notre parti à la politique gouvernementale est calamiteuse. Nous ne devons pas avoir peur d’une sortie du gouvernement : nous pourrions alors engager, dans une approche constructive avec le Parti Socialiste, un travail de rénovation du débat politique au sein de la gauche. En effet, notre diversité fait notre force : nous pouvons tout aussi bien parler avec le NPA, Les Alternatifs et le Parti de Gauche qu'avec les Radicaux de gauche. L'exclusivité de l'alliance avec le PS, défendue par l'actuelle direction d'EELV, ne fait que nous affaiblir. Nous devons rechercher au contraire à tisser des liens avec tous les mouvements qui constituent aujourd'hui la gauche, plutôt que d'utiliser des termes blessants envers nos alliés objectifs. Ainsi, il est encore temps de forger d'autres alliances avec l'ensemble des forces de gauche pour les élections à venir.

 

Pour une rénovation de la vie interne du parti

En matière de démocratie interne, notre parti souffre de la complexité de ses statuts, dimensionnés pour un parti de 100.000 adhérents quand nous n'en avons que 10.000. Nous sommes partisans là aussi d'une forme de modestie et appelons à une simplification de notre mode de fonctionnement. Il n'est pas possible de continuer à disposer d'autant de strates intermédiaires, au niveau local, départemental ou régional qui ne communiquent même pas entre elles.

 

Les éluEs d'EELV sont nombreuSESx et travaillent durement ; nous nous réjouissons régulièrement de leurs réalisations. Cependant, plus que de lire dans la presse le résultat de leurs négociations et de leurs réalisations, nous aimerions aussi pouvoir travailler avec eux. Ainsi, les éluEs doivent s'engager à travailler avec les militantEs et à communiquer plus régulièrement auprès d'eux sur leurs projets en cours.

Au niveau de l'animation du parti, nous voulons mettre un terme à la prééminence des éluEs et salariéEs d'éluEs dans les instances internes, en affirmant une règle très claire : celle d'une incompatibilité absolue entre un mandat d'éluE ou une fonction salariée d’une part et un mandat électif interne d’autre part. C’est le seul moyen pour éviter les arrangements de couloirs et favoriser l'émergence d'une force écologiste indépendante et forte, dégagée des pressions que fait peser le Parti Socialiste sur nos éluEs.

 

En matière de débat interne, la structuration en motions seules habilitées à traiter des questions politiques pose problème. Il est indispensable d'organiser de manière régulière (une fois par an au moins) des débats au niveau local. Nous devons nous inspirer des révolutionnaires de 1789, en organisant à date régulière des Etats généraux d'EELV, avec élaboration de cahiers de doléance au niveau local, puis rédaction d'un cahier de doléance régional pour aboutir à un cahier de doléance fédéral. Les représentants des groupes locaux à ces Etats généraux deviendraient pour deux ans membres du CPR et désigneraient en leur sein des représentants au conseil fédéral. Evidemment, il ne serait pas possible de cumuler des fonctions dans les différentes instances.

 

Enfin, nous devons valoriser la diversité au sein de notre parti. Le bureau exécutif est monocolore et composé de cadres vivant dans les grands centres urbains. Où sont les agriculteurs bio, les militants d’associations écolos locales, les élus des collectivités locales, les profs de secondaire, les minorités visibles, etc ? La structure de notre parti reproduit malheureusement la structure hiérarchique de notre société. C’est d'ailleurs un reproche que l’on adresse souvent à notre parti : être le représentant des « bobos » parisiens. Or, l’écologie politique est bien plus riche que cette image caricaturale qui nous est renvoyée, et cette diversité mériterait d’être davantage mise en avant dans les instances représentatives du parti.

 

Pour être fidèles à nos valeurs et nos engagements, nous devons changer radicalement de mode de fonctionnement. C’est un espoir, et c’est une chance. 

 

Léa DAS NEVES BICHO

Pierre MARGAIN

David SANTANA

 



02/06/2013
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