LA TENTATION DE LA VOIE MOYENNE (Alain Coulombel)
« Le diagnostic que je porte sur l’état mondial des politiques est celui d’une période intervallaire, qui sera probablement longue. J’appelle période intervallaire une période qui se situe après l’exténuation d’une figure singulière, appelons-la figure de l’émancipation, qui a occupé les esprits, les territoires et les actions sur une période qu’on peut faire remonter soit à la révolution bolchevique de 1917, soit aux mouvements ouvriers français du XIX° siècle, soit même à la Révolution française, période qui était en toute hypothèse dominée par la catégorie de révolution (…) Nous savons que la figure désignée par le mot « révolution » est obsolète, mais nous n’avons aucune figure qui soit en situation d’équivalence, même minimale, à ce qu’a été ce qui se pensait sous ce nom » (Alain Badiou)
Le réformisme radical, la radicalité, voir le réformisme tout court, peuvent-ils remplacer la figure désormais obsolète de « révolution » ? Dans quelle mesure l’écologie politique se range-t-elle du coté d’une radicalité assumée ? Et que perd-elle à se mouvoir dans les institutions ?
Florange, PSA, Sanofi, Goodyear…les fermetures d’entreprises s’enchaînent de plus en plus vite et avec leur fermeture, le taux de chômage qui ne cesse d’augmenter. Comme l’indique la COFACE, l’impact sur l’emploi des défaillances d’entreprises est de plus en plus lourd. Plus de 200 000 emplois ont ainsi été perdus en 2012 suite à ces fermetures. L’agroalimentaire, l’informatique, la chimie, l’électronique, la construction, l’automobile sont les secteurs les plus touchés. Simultanément, les entreprises de taille intermédiaire (celles qui font déjà cruellement défaut à notre tissu industriel) sont plus durement touchées encore.
Loin de s’éloigner, la crise ne cesse de s’aggraver. Des pans entiers de notre tissu social se délitent. Les chiffres du chômage, la montée de la précarité sous toutes ses formes, l’explosion du nombre de travailleurs pauvres, tout cela est connu.
Or, face à cette situation, le gouvernement a choisi la méthode coué. Ne rien entendre de l’urgence et continuer à marteler des objectifs irréalistes pour la fin de l’année 2013 : inverser la courbe du chômage, réduire drastiquement notre endettement public, parier sur la responsabilité et la compétitivité internationale des entreprises.
La tentation de la voie moyenne conduit le gouvernement à jouer les équilibristes sans jamais trancher en faveur des populations les plus fragiles ou en reculant devant des réformes structurelles indispensables : absence d’une véritable réforme bancaire, hésitations face aux réformes institutionnelle et fiscale, accord compétitivité-emploi affectant 20 mds d’euros en faveur des entreprises sans aucune contrepartie en matière d’emplois, politique austéritaire réaffirmée pour 2013 et 2014, augmentation dérisoire du RSA de 10% sur 5 ans, projet de loi sur l’Ani renforçant la flexibilité du marché du travail…
Nous avions connu le tournant de la rigueur en 1983 sous l’impulsion des socialistes français, la troisième voie « blairiste », les réformes Hartz du gouvernement Schröder (allié aux écologistes), illustrations successives des impasses du réformisme social-démocrate. Depuis plus de 30 ans, le capitalisme dérégule, déconstruit, violente et renforce ses dimensions régressives. La tentation de la voie moyenne est sans issue et tout réformisme aujourd’hui ne peut reposer que sur la volonté de tout changer.
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