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LA JEUNESSE EN PLEINE CRISE (Mathieu Béchu)

La jeunesse en pleine crise


Le Président adressait il y a peu ses vœux à la jeunesse depuis la ville de Grenoble, cette même ville qu’avait choisi Nicolas Sarkozy pour aborder le thème de la sécurité d’une manière critiquable, en remettant en cause le socle républicain qui est le nôtre. Ce choix était donc en lui-même porteur d’un message, celui d’un changement, de donner aux générations futures l’importance promise lors de la campagne présidentielle.

François Hollande avait alors rappelé les effets de la crise que la jeunesse subit de plein fouet, le refus du repli sur soi et de l’angoisse qui sont parfois des conséquences à la détresse sociale. Quelques mois se sont déjà écoulés et les réponses apportées restent inadaptées.

Les contrats de génération, les emplois d’avenir sont des mesures intéressantes, qui ont vocation à favoriser l’insertion des jeunes peu qualifiés, en difficultés, toutefois ces mesures restent de l’ordre du cosmétique, qui ne contribueront qu’à la marge à répondre aux problématiques de la jeunesse, les emplois d’avenir ne peuvent constituer qu’une mesure d’urgence importante mais absolument pas une politique globale pour l’emploi.

De plus avec les politiques économiques mises en œuvre par le gouvernement, l’ANI, le pacte de compétitivité, François Hollande a fait le choix de la rigueur, d’investir pour les uns sans veiller à garantir l’avenir et le bien-être de tous. De ces reculs sociaux, de ces cadeaux fiscaux, il y aura une grande perdante : la jeunesse.

La jeunesse, mais aussi l’ensemble de la société ne voient aujourd’hui dans le discours de Grenoble que de belles promesses sans vision pérenne pour l’avenir. C’est un changement de modèle dont nous avons besoin, un modèle durable qui prendra en compte les difficultés des générations de demain.

 

Mais qu’entend-t-on par la crise de la jeunesse ?

La crise actuelle est une crise systémique globale, à la fois économique, financière, et écologique. Par crise, on entend « violence de la jeunesse », aspect trop souvent utilisé comme mauvais miroir d’une réalité bien plus complexe, on entend aussi désillusion de celle-ci en perte de repère et qui ne voit plus dans l’école, l’ascenseur social, qu’elle a toujours eu vocation à être.

Au vu des évènements de ces dernières semaines, la violence et la radicalisation de la « Manif pour tous » a laissé entrevoir un autre visage, celui d’une jeunesse repliée sur ses angoisses, qui prône le rejet de l’autre au lieu de se battre pour la construction d’un avenir commun, donnant à chacun sa place. Comment expliquer que la plus jeune députée de France n’est autre que la nièce de Marine Le Pen ? Que le plus jeune élu conseiller régional de France est membre des jeunesses identitaires ?

Heureusement cette jeunesse reste minoritaire, en décalage avec les aspirations qu’une grande majorité des jeunes portent, celle du respect de chacun, des autres, celle de l’accomplissement de leur vie, celle de faire mieux que leurs parents. Cet état des choses doit nous pousser à nous questionner sur la place que les différents mouvements politiques laissent à la jeunesse ! En effet, sommes-nous réellement représentatifs ?

Sans tomber dans le jeunisme, la jeunesse a un grand rôle à jouer dans la résolution de la crise ! Mais sommes-nous prêts à enfin lui donner les moyens de ses ambitions ?

Doit-on parler d’une jeunesse ou des jeunesses ? Cette catégorie sociale n’est pas uniforme: certains jeunes sont hautement diplômés et ne connaissent aucun problème d’insertion sur le marché du travail, quand d’autres jeunes diplômés connaissent des difficultés à faire valoir leur droit à accéder à un emploi conforme à leurs qualifications ou encore sortent du système scolaire sans diplôme, ni qualification ainsi seulement 13,4% des français sont diplômés à bac +2. (1)

 

Il nous faut donc déconstruire la thèse la crise générationnelle :

Les enfants d’enseignants, ou issus de familles aisées, ne partent pas avec les mêmes probabilités de succès dans la réalisation de leurs aspirations. Ils n’accéderont proportionnellement pas aux mêmes emplois et aux mêmes logements que les enfants d’ouvriers et/ou les enfants issus de l'immigration. Les inégalités économiques au sein de chaque génération sont au final, plus importantes que les inégalités entre les générations.

La crise que connait la jeunesse ne peut alors pas se réduire, à un conflit générationnel.

Cette interprétation générationnelle ne permet pas d'expliquer le mouvement d'une partie de la jeunesse contre la réforme des retraites. Les jeunes n’auraient pas dû se sentir concernés par cette réforme faite en leur nom. Pas pleinement insérés dans le marché du travail, ils n’étaient à prime abord pas concernés par celle-ci qui conduisait à retarder l’âge de la retraite touchant plutôt les travailleurs proches de la retraite que la jeunesse.

Cependant une grande partie de la jeunesse a refusé que cette réforme se fasse en son nom, sans réelle consultation, sachant que les jeunes d’aujourd’hui seront les retraités de demain. Ce constat nous conduit à affirmer que la lutte sociale ne se réduit pas au conflit entre générations. De nombreux jeunes reconnaissent que notre modèle social français s'appuie sur la solidarité intergénérationnelle garantie par l’Etat, et que cette garantie sociale permet d’assurer à tous un minimum vieillesse, certes insuffisant, mais nécessaire.

Bien que cette réforme se soit faite au nom des jeunes, elle est aujourd’hui responsable de l’aggravation de la crise économique actuelle, repoussant de fait l’entrée de nombreux jeunes sur le marché du travail.

Ainsi ce sont près de 80% des nouveaux emplois à pourvoir chaque année qui sont dus aux départs à la retraite (2) et avec le maintien obligatoire sur le marché du travail d’une partie des seniors (recul de l’âge de la retraite de 2 ans), une partie de cette libération d’emplois ne s’est pas faite, orientant les nouvelles générations vers le chômage. Les jeunes ne seraient donc pas les bénéficiaires de cette réforme mais bien les premières victimes.

Mais il y a un risque à ne se focaliser que sur le chômage des jeunes : oublier tous les autres chômeurs de longue durée.

Les solutions ne doivent alors pas passer par une opposition générationnelle mais bien par une reconstruction à la fois sociale et sociétale autour d’un principe trop souvent mis de côté celui de l’intergénérationnalité. Certes il ne suffit pas de la décréter pour obtenir sa réalisation, il faut l’accompagner par des mesures structurelles de cohésion. La réappropriation du monde scolaire par la société civile, l’incitation à l’investissement associatif pour la jeunesse et la reconnaissance de celui des séniors sont quelques réponses qui permettraient d’amorcer cette intergénérationnalité dont notre société a tant besoin.

 

L’aspect structurel de la crise que subit la jeunesse ne peut être écarté:

Sans remettre en cause la massification de l’enseignement supérieur, nécessaire à l’accomplissement d’une société équitable, la crise structurelle vécue par la jeunesse est malheureusement due à l'inadaptation des institutions éducatives et sociales à la massification scolaire, au peu de reconnaissance des qualifications et à l'allongement des études qui s’est opérée ces dernières années. (3)

Les luttes pour la massification de l'enseignement supérieur, la sauvegarde du service public d’éducation, et l’émancipation de la jeunesse sont décisives ; mais elles doivent se traduire par des propositions de rupture avec le mode de développement, d’éducation et de consommation, fondé sur le productivisme.

La méritocratie scolaire (système élitiste franco-français des grandes écoles) encourage toutes les formes néfastes de compétition scolaire : pression sur l’enfant par le système éducatif, pression poussant les parents, anxieux par rapport à la réussite scolaire de leurs enfants, à les faire redoubler, évaluation permanente du système éducatif nous conduisant à parler d’une « compétitivisation » du service public d’enseignement…

Comme l’illustrent les enquêtes PISA, de l’OCDE sur la coopération et le développement économique, le système français bien qu’assurant un bon niveau scolaire privilégie les élites et leur reproduction tout en engendrant un échec scolaire important.

Mais des moyens existent avec l’unification de l’enseignement supérieur sous une même enseigne, la mise en place d’un revenu d’autonomie pour tous les jeunes afin d’avancer sur la formation tout au long de la vie, assurer la transition énergétique créatrice de nombreux emplois peu délocalisables, la réduction du temps de travail à 32h (avec 4 jours travaillés) pour répartir les gains de productivité et créer plus d’emplois, ne peuvent qu’ouvrir un avenir moins sombre à une jeunesse en perte de repères.

Enfin les solutions sont aussi européennes, dans une période de crise, l’Union Européenne doit faire le choix de la jeunesse, et de son avenir. L’Europe ne doit pas précariser la jeunesse mais bien croire en l’espoir qu’elle représente.

La rigueur budgétaire nationale critiquable ne peut être couplée à une rigueur européenne. Cependant les Etats européens ont bel et bien pris cette décision. Or, la difficulté à financer le programme Erasmus, la suppression annoncée des aides aux associations qui sont souvent le dernier filet social d’une jeunesse désœuvrée ne peuvent que contribuer à la précarisation de la jeunesse et sont bien les exemples d’une rigueur européenne.

Rêver, imaginer, agir, construire doivent redevenir les moteurs de l’Europe et de notre futur !

 

(1) Décryptage l’œil du monde mercredi 21 novembre 2012

(2) voir les ressources du CAS, Centre d’Analyse Stratégique, sous tutelle directe du Premier ministre

(3) Décryptage l’œil du monde mercredi 21 novembre 2012



10/05/2013
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