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Autonomie politique et participation gouvernementale : faut-il choisir ? (Martin Siloret, EELV Bretagne)

 

Autonomie politique et participation gouvernementale : faut-il choisir ?

 

 

 

 

 

« Notre problème, c'est que nous n'avons plus d'idées », se lamentaient certains dirigeants socialistes au lendemain de leur échec retentissant de 2009. Hormis l'alternance permise par le rejet du sarkozysme et le storytelling hollandiste, la situation n'a pas fondamentalement changé depuis lors. Pas d'idées, pas de cap ; la trajectoire du pédalo France peut paraître erratique, toujours est-il qu'elle nous mène dans le mur à tous les points de vue : non-sens économique, aggravation de la crise sociale, ignorance de la crise environnementale, rupture de confiance démocratique...

 

Écologistes, nous enrageons, car c'est pourtant évident :

 

-l'austérité n'est pas la solution, elle aggrave le problème ;

 

-le productivisme nous condamne, autant qu'il est lui-même condamné ;

 

-nos institutions doivent se démocratiser d'urgence sous peine de basculer bientôt (en 2017?) dans l'autoritarisme...

 

C'est évident, d'ailleurs l'écologie politique le dit depuis quarante ans... et depuis quarante ans le Parti socialiste fait la sourde oreille. Pire, le PS :

 

-ferme les yeux sur le simple constat de la fin de la croissance forte ;

 

-s'est résigné au chômage de masse ;

 

-a abandonné sa critique de l'énergie nucléaire dès 1981 sans que les catastrophes de Tchernobyl et Fukushima l'aient depuis véritablement ébranlé ;

 

-s'est douillettement installé dans la confusion des pouvoirs qui règne à tous les étages des institutions de la République et des collectivités territoriales.

 

Nous avons donc des accords fondamentaux avec le PS ; il est illusoire de croire que notre travail de conviction puisse ébranler, seul, l'inertie du mastodonte. Peut-être demain les évidences s'imposeront-elles, et le PS adoptera-t-il une ligne social-démocrate environnementaliste plus compatible avec notre vision écologiste. De nombreux militants ont d'ailleurs connu cette évolution, jusqu'à apporter aujourd'hui leur pierre à l'écologie politique. Mais la conversion de masse du PS en tant que tel ne pourra se faire que sous pression d'une crise aiguë du système lui-même, car ce parti appartient, à bien des égards, au système. Il faut donc se résoudre à court terme à avoir affaire à un PS principalement libéral et productiviste, et donc à une politique gouvernementale dominée par le libéralisme et le productivisme.

 

Cela ne signifie pas en soi que les écologistes doivent claquer la porte du gouvernement voir de la majorité. Toute coalition gouvernementale entre partis suppose des désaccords, parfois profonds. L'urgence d'agir, en particulier dans le domaine du logement et du développement international, est une exigence à prendre en compte. Même si l'accord de législature signé avant les élections est d'ores et déjà mort et enterré...

 

Mais une coalition suppose que les partis membres assument leur autonomie. Une coalition gouvernementale et législative ne peut être un jeu à somme nulle, voire négative : la diversité des points de vue, les désaccords même graves, doivent au contraire être exprimés en public -non par les ministres dont la tâche est exécutive, mais par les parlementaires et les partis, dont la responsabilité est justement de parler, d'animer le débat public, d'exprimer des propositions. Cette autonomie est nécessaire pour faire vivre la démocratie. L'espace public a d'autant plus besoin d'une analyse et d'une parole écologiste pleine et entière, qui ose la critique sévère des politiques gouvernementales lorsque celles-ci la méritent, que nous vivons une période de conjonction inédite des crises. Cette autonomie doit permettre de continuer à défendre les orientations écologistes dans leur spécificité et leur radicalité, ce qui suppose également de critiquer sur le fond les propositions dites radicales de la gauche de la gauche.

 

Depuis un an, le parti EELV n'a pas suffisamment porté cette parole autonome ; nos député-e-s et sénateurs/trices n'ont pas suffisamment assumé leur liberté de vote, pourtant au fondement du régime parlementaire. Une conception très extensive de la « solidarité gouvernementale » conduit les députés (socialistes y compris) à se comporter en quelque sorte comme si l'Assemblée nationale était responsable devant le gouvernement, alors que la Constitution proclame l'inverse ! Ce relatif vide politique laissé par EELV a par ailleurs facilité la tâche au Front de gauche, phénomène d'autant plus regrettable que le discours de celui-ci s'appuie sur une vision de l'avenir assez éloignée de celle de l'écologie politique : organisation des pouvoirs, diversité culturelle, construction européenne, rapport des humains à leur environnement...

 

Ce manque de parole autonome est-il le résultat d'un rapport de forces défavorable (majorité absolue du PS à l'Assemblée nationale) ? De l'absence de culture de la coalition sous la Ve République ? De notre impréparation stratégique face à l'alternance de 2012 ? Sans doute tout cela à la fois. En tout cas, si nous jugeons impossible de concilier participation gouvernementale et autonomie politique, il faut rapidement sortir du gouvernement, sous peine de neutraliser durablement EELV et donc de nuire à l'écologie politique dans le pays.

 

 

 



15/08/2013
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