Une VIIè République écologiste (Martin Siloret, EELV Bretagne)
Une VIIe République écologiste
La république que les écologistes appellent de leurs vœux trouve ses fondements ailleurs que dans le simple retour à un régime parlementaire, ou même à l'affirmation du pouvoir du « peuple ». La démocratie telle que nous la concevons ne peut s'accommoder de la concentration des pouvoirs dans une institution toute-puissante, qu'il s'agisse de la Présidence de la République ou d'un Parlement sans contre-pouvoirs. Les mécanismes institutionnels qui prétendent traduire la souveraineté de la manière la plus pure (suffrage, référendum...) présentent de graves limites (professionnalisation, dérive plébiscitaire...) ; plus fondamentalement, baser la démocratie sur la notion même de souveraineté, qu'elle soit « populaire » ou « nationale », aboutit à restreindre l'horizon de la démocratie à la fois dans le temps (quid de la représentation des générations futures?) et dans l'espace (quid des échelles et frontières géographiques ? Quid des êtres non-humains?).
GARANTIR LE PLURALISME
Pour les écologistes, accentuer le rôle des citoyen-ne-s dans les institutions exige que celles-ci qient le pluralisme comme principe fondateur, sans lequel il est impossible de tenir compte du caractère irréductiblement composite de la « volonté générale ». La proportionnelle intégrale garantit la formation de majorités politiques et sociales plus fidèles à l'état de la société ; la responsabilité effective des exécutifs devant les instances législatives limite les abus de pouvoirs ; les moyens accordés aux forces d'opposition œuvrent à une meilleure délibération et transparence ; la limitation du cumul, le statut de l'élu, la parité et la pratique du tirage au sort contribuent à enrichir la représentativité sociale.
DÉPLOYER LE FÉDÉRALISME DIFFERENCIÉ
Considérer la volonté générale comme un bloc indivisible ne pouvant d'exprimer qu'à l'échelle nationale est un fantasme théorique, qui lorsqu'il est traduit dans les faits, met en cause les droits des minorités et appauvrit gravement la démocratie. Au contraire, la traduction la plus fidèle possible de la volonté collective dans toutes ses dimensions passe par la division des pouvoirs, compétences et moyens en fonction des échelles territoriales appropriées, au sein d'un système fédéral différencié, articulé par exemple pour la France autour des communes, pays, régions, État, Europe...
ÉLARGIR LE COLLECTIF DÉMOCRATIQUE
Les institutions politiques traditionnelles sont incapables de prendre en compte les intérêts et les valeurs propres de toute une série d'éléments dont les humains ne peuvent plus prétendre s'arracher. De nouvelles institutions sont donc nécessaires pour élargir le collectif démocratique. L'élargir d'abord aux générations futures, dont une relative prise en compte des intérêts pourrait être garantie par un organe du type « Académie du Futur », doté de forts moyens de recherche prospective et de proposition politique auprès des instances élues. Ensuite aux non-humains (animaux, végétaux...) dont la valeur intrinsèque, menacée par bien des activités humaines, doit être traduite, quand bien même approximativement, par des organes par exemple inspirés du Conseil économique social et environnemental (CESE), eux aussi dotés de capacités de recherche et de proposition politique.
DÉPASSER L'ÉTAT-NATION PAR LE BAS ET PAR LE HAUT
Une république écologiste doit tirer les conclusions des limites de l’État-nation comme cadre unique de l'exercice de la démocratie. Elle reconnaît à la construction européenne sa valeur en soi : en particulier l'éloignement du risque de conflit militaire continental pour les décennies et siècles à venir. Elle reconnaît également l'urgence d'exercer la démocratie à l'échelle continentale voire mondiale afin d'affronter effectivement les défis de l'anthropocène : réchauffement climatique, chute de la biodiversité, flux économiques, pollutions diverses... Elle reconnaît enfin le caractère a-démocratique de la construction de l’État-nation, indissolublement liée non seulement à une homogénéisation culturelle et une acculturation souvent brutales, mais également à l'industrialisation, l'urbanisation et la dé-localisation des économies. La vision écologiste de la société, qui inclut l'acceptation des phénomènes migratoires, la promotion de la diversité culturelle (notamment le bi- ou multi-linguisme dans l'espace public), et la relocalisation des activités économiques, suppose donc d'amender profondément les fondements mêmes de l’État-nation en matières territoriale, culturelle, linguistique.
Bref, une nouvelle république ne pourra répondre aux enjeux de notre temps en se contentant de ranimer, par des gadgets comme le référendum révocatoire, une « souveraineté » épuisée, ou en proclamant des concepts abstraits comme la « règle verte ». Elle doit à la fois ouvrir de nouveaux horizons pour la démocratie, et mettre en place les mécanismes institutionnels permettant cet élargissement. La république est chose de tous, humains et non-humains ; elle doit nous aider à faire société. Mais peut-être sera-ce la tâche de la VIIe République.
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